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Julie Rechagneux
Julie Rechagneux

Union européenne : sortir des dérives normatives et technocratiques pour restaurer souveraineté et efficacité

Un récent rapport d’information du Sénat, porté par Jean-François Rapin, Didier Marie et Catherine Morin-Desailly et déposé le 4 décembre 2024, met en lumière les dérives normatives et technocratiques de l’Union européenne. Ces constats valident les positions que nous défendons depuis longtemps au Rassemblement National. Ce diagnostic, partagé par des sénateurs de toutes sensibilités, rejoint les appels du président de la République à une « pause réglementaire européenne » et les promesses de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de réduire la charge administrative des entreprises de 25 %. Il est regrettable qu’il ait fallu tant d’années pour que nos alertes soient prises au sérieux.

En théorie, les principes de subsidiarité et de proportionnalité garantissent une prise de décision au plus près des citoyens, dans le respect des compétences nationales. En pratique, le rapport révèle une tendance alarmante à l’extension et à l’émiettement des pouvoirs des institutions européennes. L’interprétation extensive des compétences conférées à l’Union, combinée au recours systématique aux clauses de flexibilité et d’urgence, dépouillent progressivement les États membres de leur capacité à légiférer.

Dérive normative : une centralisation excessive

Le rapport souligne un emballement législatif marqué par un flux incessant de nouveaux textes. Entre 2019 et 2024, 13 000 textes normatifs ont été adoptés, dont 515 actes législatifs, soit une augmentation de 23 % par rapport à la législature précédente. Ce chiffre est à comparer aux 5 500 textes adoptés aux États-Unis sur la même période. De plus, l’utilisation des règlements, contraignants pour les États membres, a été systématiquement deux à trois fois plus importante que celle des directives.

Ces excès normatifs, combinés à l’usage abusif des actes d’exécution et des actes délégués, contournent les processus législatifs ordinaires et affaiblissent les parlements nationaux. Les procédures d’urgence, de plus en plus fréquentes, renforcent cette logique, rendant l’action européenne souvent illisible et intrusive.

Dérive technocratique : un éloignement des réalités locales

La prolifération des agences européennes illustre cette dérive technocratique. Près de quarante agences opèrent dans des domaines variés, mais leur fonctionnement bureaucratique et leur proximité avec certains lobbys suscitent des critiques. Ce déséquilibre met en péril l’équilibre des territoires et les spécificités nationales.

Le secteur agricole en est un exemple frappant. Les normes imposées, souvent complexes et uniformes, alourdissent le quotidien des exploitants, aggravant le sentiment de détresse des agriculteurs. Formulaires, directives et obligations numériques multiplient les contraintes inutiles, au détriment de la compétitivité et de l’efficacité.

Les solutions : subsidiarité, proportionnalité et différenciation territoriale

Le rapport appelle à un retour aux principes fondateurs de la régulation européenne. Sur le plan de la souveraineté, il insiste sur la nécessité de ne légiférer qu’en cas de stricte nécessité, dans le respect des compétences nationales. La mise en place d’une « clause bouclier » pour protéger les compétences des États membres, notamment en matière de sécurité publique, est une mesure essentielle.

Sur le plan de l’identité, le rapport recommande une approche différenciée, prenant en compte les spécificités locales et territoriales, particulièrement dans les régions ultrapériphériques (RUP). Il propose la création d’un « paquet RUP » incluant une gouvernance adaptée et une meilleure implication des collectivités locales. Cette logique de différenciation doit s’appliquer à tous les territoires européens pour garantir une réglementation respectueuse des identités et réalités locales.

Enfin, sur le plan de l’efficacité, des mécanismes tels que le « test PME », le « test compétitivité » et la règle « une norme ajoutée, une norme retirée » permettraient de stabiliser le volume réglementaire et de réduire la charge administrative des entreprises. Le recours systématique aux études d’impact, avant et après l’adoption de nouvelles législations, apparaît indispensable pour évaluer leurs conséquences réelles.

Cet agenda de simplification administrative et d’évaluation de l’impact économique des normes est une problématique inscrite dans le programme du Rassemblement National. Dans sa « stratégie tricolore » de rationalisation des normes, le Rassemblement National prévoit l’organisation d’États généraux de la simplification qui, sur une période de douze mois, établiront un état des lieux des contraintes administratives qui pèsent sur la croissance. En instaurant un cadre règlementaire plus prévisible, cette réforme lèvera les contraintes qui pèsent sur la croissance et l’investissement..

Une action européenne légitime et respectueuse des souverainetés nationales

Ces propositions ont pour objectif de corriger les dysfonctionnements relevés afin que l’action européenne soit mieux adaptée aux réalités locales, respecte la souveraineté des États membres et gagne en acceptabilité auprès des citoyens et des entreprises.

Les préconisations du Sénat s’inscrivent dans la continuité d’une série de programmes européens visant à améliorer la qualité normative. Ainsi, le programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT), lancé en 2012, et l’accord interinstitutionnel « mieux légiférer » signé en 2016 entre les trois institutions européennes, illustrent cette ambition. Ce dernier prévoit notamment la réalisation d’études d’impact pour tout amendement substantiel proposé par le Conseil ou le Parlement européen. Toutefois, en pratique, ces engagements ne sont pas toujours respectés.

Pour renforcer ce cadre, le rapport suggère de rétablir un poste de vice-président de la Commission européenne, chargé de la simplification et de la subsidiarité. Cependant, au Rassemblement National, nous estimons que la création d’un nouveau comité ou poste n’est pas nécessaire. Les parlements nationaux disposent déjà des compétences, du pouvoir et de la légitimité nécessaires pour évaluer la qualité des normes européennes et veiller à leur adéquation avec les besoins des États membres.

Restaurer le « rôle de gardien » confié aux parlements nationaux

Le traité de Lisbonne a confié aux Parlements nationaux un « rôle de gardien » chargé de veiller au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, notamment par le biais d’un mécanisme de signalement : « carton jaune », « orange » ou « rouge » en cas d’entorse à ces principes. Cependant, ce dispositif s’est avéré décevant dans son application. En effet, en quinze ans, depuis l’entrée en vigueur du traité, seuls trois textes ont fait l’objet d’un « carton jaune ».

Le Sénat français se distingue comme l’une des chambres les plus actives dans le contrôle de la subsidiarité. Rien qu’en 2023, il a adopté trois avis motivés. Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne jusqu’au 30 septembre 2023, ce sont au total 42 avis motivés qui ont été adoptés dans ce cadre. Les douze propositions formulées par le Sénat constituent des lignes directrices claires et solidement ancrées dans le respect de la souveraineté nationale.

En formulant ces recommandations, le Sénat démontre par sa compétence et sa lucidité qu’il est inutile de créer un nouvel organe de contrôle administratif au sein de la Commission européenne. Ce qui fait défaut, ce n’est pas un surplus de contrôle bureaucratique, mais une véritable volonté politique. Les gouvernements élus doivent assumer pleinement leurs responsabilités dans le cadre du Conseil.

Plutôt que de favoriser un dialogue des juges, qui court-circuite les voies normales de l’expression démocratique, il est impératif de renforcer le dialogue intergouvernemental et interinstitutionnel. Ces derniers, et eux seuls, peuvent se réclamer d’être les véritables dépositaires de la volonté souveraine.

Ces recommandations, issues d’une institution aussi respectable que le Sénat, doivent être considérées comme la voix de la France et l’expression de ses intérêts supérieurs. Elles inspireront directement mon travail au Parlement européen et viennent confirmer les alertes que nous avons toujours portées au Rassemblement National. C’est donc avec rigueur et détermination que nous ferons nôtres le triptyque qui en découle : souveraineté, efficacité, identité.

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