Une idée d’éthique : défendre le droit des peuples à ne pas être dépossédés d’eux-mêmes
Dans la postface de l’édition française de L’Éthique de la liberté, l’économiste et philosophe Murra...
Dans la postface de l’édition française de L’Éthique de la liberté, l’économiste et philosophe Murra...
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Dans la postface de l’édition française de L’Éthique de la liberté, l’économiste et philosophe Murray Rothbard formulait une mise en garde teintée d’ironie :
« J’espère que les Français ne tomberont pas à leur tour victimes du puritanisme de gauche ; à tout le moins, je ne puis imaginer qu’ils n’abandonnent la cigarette et le vin dans la quête de la perfection cardiovasculaire. »
Si la provocation est manifeste, la mise en garde n’en est pas moins sérieuse. Trente-cinq ans après, le diagnostic semble plus exact que jamais. Sans adopter l’ensemble de sa pensée libertarienne, il est utile de relire Rothbard à la lumière des transformations qui ont affecté nos sociétés. Ce qu’il dénonçait alors sous trois formes – l’égalitarisme communautaire, l’environnementalisme anti-humaniste et le puritanisme de gauche – a aujourd’hui pris racine dans les structures mêmes du pouvoir, formant la trinité idéologique qui domine les institutions européennes.
Rothbard alertait sur la montée d’un « égalitarisme communautaire » qui enferme la société dans une division permanente entre oppresseurs et victimes. De fait, l’idéologie de la justice sociale s’est institutionnalisée et façonne désormais les politiques européennes et nationales. La mémoire historique est réécrite au prisme de la repentance et de la culpabilisation, érigeant en dogme une lecture victimaire du passé.
La résolution du Parlement européen sur « l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe » en est un parfait exemple. Sous couvert de promouvoir un devoir de mémoire, elle impose une vision de l’histoire qui ne laisse plus de place à une conscience nationale sereine. Loin de l’unité européenne qu’elle prétend renforcer, cette approche enferme les peuples dans une logique de réparation infinie et détruit les récits collectifs au profit d’une moralisation permanente.
Deuxième avertissement de Rothbard : un environnementalisme qui, loin de s’appuyer sur une écologie scientifique et rationnelle, sert un projet profondément anti-humaniste. Là encore, l’analyse se vérifie. Le Pacte vert pour l’Europe, s’il se drape dans le langage du progrès, traduit en réalité une vision de la transition écologique qui punit la puissance économique et industrielle au lieu de l’encourager.
Les exigences de décarbonation à marche forcée, la mise en péril des filières industrielles et agricoles sous prétexte d’impératifs climatiques irréalistes et l’interdiction progressive des technologies existantes sans alternative viable sont autant de mesures qui affaiblissent les nations européennes.
Derrière l’objectif affiché d’un avenir durable, il y a une idéologie de la restriction qui freine l’innovation et précipite l’Europe dans une dépendance accrue aux puissances qui, elles, n’ont pas renoncé à leur souveraineté énergétique et industrielle.
Enfin, Rothbard dénonçait l’émergence d’un « puritanisme de gauche », qui ne se limite plus à la santé physique mais s’étend au langage, aux comportements et aux modes de vie. De fait, l’idéologie du gender mainstreaming, la promotion d’un antiracisme bureaucratique et la régulation toujours plus poussée du discours public ont engendré un climat de surveillance généralisée des esprits.
Dans les institutions européennes, ces principes ne sont plus des choix de société débattus mais des obligations imposées. La Commission européenne fait du gender mainstreaming un critère d’évaluation des politiques publiques. La lutte contre le racisme devient un levier pour remodeler les normes sociales, et non plus une simple politique de protection des individus.
L’hygiénisme culturel consiste à détruire ce qui fait la singularité des peuples en déconstruisant les représentations collectives et en imposant un modèle homogène au détriment des héritages nationaux.
Ce processus ne relève pas d’un simple débat d’idées, mais d’un véritable projet de dépossession des peuples européens.
Une dépossession de leur histoire, en imposant une mémoire officielle fondée sur la repentance et la culpabilisation.
Une dépossession de leur puissance, en leur interdisant d’innover et de produire sous prétexte de restrictions environnementales.
Une dépossession de leur identité, en leur imposant un langage et des normes étrangères à leur culture sous couvert de progressisme.
Face à cette entreprise, la pensée de Rothbard offre un repère, non pas pour tomber dans un libertarisme radical, mais pour rappeler un principe fondamental : aucun État, aucune institution ne peut prétendre être propriétaire des peuples et des nations.
Le principe de non-agression, que Rothbard applique aux relations entre individus et entre États, peut s’appliquer ici aux relations entre les institutions et les peuples.
Aucun pouvoir ne peut légitimement imposer un programme de reformatage culturel et identitaire aux nations sans leur consentement. Ni par la déconstruction permanente, ni par l’effacement des structures sociales et symboliques, ni en niant l’insécurité culturelle liée à une immigration massive et incontrôlée.
L’éthique des patriotes consiste à défendre le droit des peuples à rester maîtres de qui ils sont. À refuser qu’ils soient dépossédés de leur histoire, de leur industrie, de leur culture au nom d’un projet idéologique porté par une minorité active.
La liberté ne se résume pas à un principe économique ou juridique : elle est aussi la liberté d’un peuple à ne pas être étranger à lui-même.
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