
Faire de l’innovation un projet productif pour réintégrer les laissés-pour-compte de la mondialisation
*Plutôt que de subir la destruction créatrice, la France et l’Europe ont l’opportunité de l’organise...
*Plutôt que de subir la destruction créatrice, la France et l’Europe ont l’opportunité de l’organise...
L'Union européenne se trouve à un tournant décisif. Face aux menaces extérieures, aux recompositions...
Face à l'harmonisation croissante des normes européennes, de nombreux savoir-faire traditionnels en France et en Europe se voient menacés de disparition. De la fabrication de fromages au lait cru à la distillation de lavande en Provence, en passant par la pommade camphre-menthol de Nevers, des produits emblématiques de nos territoires sont pris dans l’étau de réglementations pensées pour les grandes industries. Ces réglementations, bien qu’animées par la volonté de sécuriser les produits pour le consommateur, pèsent de manière disproportionnée sur les petits producteurs et les artisans, pour qui se conformer à de telles exigences s’avère coûteux, voire impossible.
Depuis des décennies, la pommade camphre-menthol, dite « pommade miracle de Nevers », occupe une place à part dans la culture locale. Produit dans une petite pharmacie de Nièvre, ce remède artisanal et naturel, aux vertus apaisantes reconnues, est un exemple emblématique de ces préparations locales qui relient les générations. Élaborée selon une recette transmise de génération en génération, cette pommade fait partie intégrante du patrimoine thérapeutique régional. Et pourtant, la directive européenne 2004/27/CE sur les produits pharmaceutiques impose désormais une uniformisation des normes de sécurité et d’autorisation qui contraint les producteurs à se soumettre à des obligations bien trop lourdes pour les petits ateliers et pharmacies locales. Aujourd’hui, cette pommade ne peut plus être fabriquée sous sa forme originale, en raison de l’absence d’autorisation spécique qui impliquerait des analyses coûteuses et des normes de production pensées pour des structures de grande envergure.
Ce problème n’est pas isolé et révèle un enjeu systémique plus large, qui affecte l’ensemble des savoir-faire locaux et artisanaux en Europe. La distillation traditionnelle de la lavande en Provence, par exemple, est soumise aux contraintes du règlement REACH, qui impose des tests rigoureux même sur des huiles essentielles naturelles. De même, les fromagers produisant des fromages au lait cru font face à des règles sanitaires exigeant des contrôles coûteux et des installations spéciques, mettant en péril les méthodes ancestrales de fermentation et de conservation. Ces réglementations, bien qu’importantes pour la sécurité des consommateurs, doivent aussi tenir compte des spécicités locales et des pratiques patrimoniales.
Les savoir-faire locaux sont l’âme de nos territoires. Ils incarnent l’histoire, la culture et la biodiversité de chaque région, et sont le fruit de siècles d'expérimentation et de transmission. Mais ils sont aujourd’hui en danger. Il est temps de repenser l’approche réglementaire pour ces produits et d’introduire un régime d’exception qui protégerait les productions locales et limiterait les contraintes réglementaires aux grandes structures commerciales. Inspiré des appellations géographiques protégées (IGP) pour les produits alimentaires, un statut de « patrimoine pharmaceutique » pourrait ainsi voir le jour, permettant aux préparations locales de continuer à exister en conformité avec des standards de sécurité adaptés.
Les institutions européennes, en accord avec le principe de subsidiarité, peuvent et doivent reconnaître la singularité de ces produits. Un tel cadre de protection des savoir-faire locaux permettrait non seulement de préserver des techniques authentiques, mais aussi de renforcer l’économie locale et de soutenir les petites entreprises qui maintiennent la vitalité de nos territoires.
La défense de ces produits patrimoniaux ne se limite pas à un enjeu économique ; il s’agit aussi de protéger notre patrimoine culturel et artisanal contre une Europe déconnectée des réalités locales.
En créant une dérogation pour les produits patrimoniaux, l'Europe renforcerait son rôle en tant que protectrice de la diversité culturelle, tout en assurant la sécurité des consommateurs. Il est de notre devoir de faire entendre la voix des petits producteurs et des artisans, an que leur savoir-faire puisse continuer d’exister et de prospérer dans le respect des traditions et des spécicités locales.
Nos territoires sont riches de ces productions uniques, et il est plus que jamais essentiel de préserver cette richesse au cœur même de l’Union européenne.
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